Publié le 9 mai 2025
– Mis à jour le 13 mai 2025
Vanessa Frangville est professeure en études chinoises, en Faculté de Lettres, Traduction et Communication. Elle reçoit le prix de la diffusion scientifique ULB - catégorie multimédia - pour le projet collaboratif Uyghur Art, vitrine de la production artistique ouïgoure en exil.
Vanessa Frangville, professeure en études chinoises, directrice de la Maison des sciences humaines et co-créatrice du Centre de recherche EASt sur l’Asie de l’Est de l’ULB, est bien plus qu’une académique. C’est une défenderesse de la cause ouïgoure à laquelle elle s’intéresse très tôt dans son parcours. « J'ai écrit un mémoire sur les étudiants ouïgours à Pékin, puis une thèse sur la représentation des minorités ethniques dans le cinéma chinois ».
S’ensuivent de nombreux séjours à Pékin, avec la volonté de poursuivre cette recherche sur les Ouïgours, de contribuer à la collecte d'informations sur ce peuple turcophone en prise avec les politiques répressives de l’État chinois, afin de révéler ce qu’il se passe vraiment et faire contrepoids au discours officiel chinois. Mais, progressivement, ses contacts sur place arrêtent de lui répondre, jusqu’à cette expérience pénible en 2018 : «
J’étais au restaurant avec une amie ouïgoure qui me parlait de son grand-père envoyé en camp. Nous avons été écoutées, puis suivies jusqu'à mon hôtel. Elle a reçu des appels téléphoniques qui l'ont paniquée, elle est partie en vitesse et je ne l'ai jamais revue. Et c'est arrivé avec d’autres amis » se rappelle Vanessa Frangville.
Le terrain étant devenu inaccessible, elle se tourne vers la communauté ouïgoure en exil. «
Et vers une recherche davantage dans mes cordes, qui touche au cinéma, mais aussi à l'art en général ». Cela donne naissance à la plateforme Uyghur Art qu’elle lance en 2021 en collaboration avec Mukaddas Mijit, cinéaste-performeuse et postdoctorante ouïgoure. Elles sont ensuite rejointes par Sonya Imin, plasticienne et doctorante américano-ouïgoure.
Cette plateforme, soutenue par le FNRS, est une vitrine de la production artistique ouïgoure en exil.
« Elle vise à témoigner et sensibiliser à la question ouïgoure à travers l'objet artistique. Car l’art est politique » précise Vanessa Frangville.
On y retrouve des productions cinématographiques et littéraires, des podcasts qui donnent la parole aux artistes ouïgours, un ouvrage de traductions de littérature ouïgoure - complètement méconnue - mais aussi des publications scientifiques et des interventions médiatiques.
Uyghur Art est donc une plateforme interdisciplinaire alliant art, recherche scientifique et militantisme, qui met en lumière le patrimoine artistique des Ouïgours tout en documentant la répression qu’ils subissent. «
Notre volonté est aussi d'impliquer de façon créative et collaborative les artistes ouïgours avec lesquels on s’entretient pour nos recherches. C’est une artiste ouïgoure qui a conçu en grande partie le graphisme de notre site, d’autres ont créé les couvertures et le générique de nos podcasts ou les illustrations de notre livre de traductions » précise Vanessa Frangville.
Ce projet montre que l’art peut devenir un outil de résilience.
« La question ouïgoure est mal connue, et charrie des discours divergents, souvent dans des termes très dramatiques. Nous voulons montrer que cette culture est dynamique et n'est pas seulement une culture de la souffrance. Et que cette souffrance, qui est bien réelle, peut s'exprimer de façon constructive à travers l’art » conclut-elle.